Journal de bord

Splice

Vincenzo Natali est un faussaire : il déguise ses films sociaux en films de science-fiction :
- Cube observe une expérience de comportement en huis clos, habillée en film de science-fiction.
- Cypher est une histoire d'amour, déguisée en Alzheimer volontaire futuriste.
- Nothing raconte une amitié, dépouillée jusqu'à l'extrême à grands coups d'effets spéciaux.

Ne dérogeant pas à la règle, Splice est une parabole sur la parentalité, déguisée en thriller scientifique. Comme souvent chez Vincenzo Natali, les rapports humains sont ambigus et compliqués : c'est sous l'angle œdipien que les rapports parents-enfants seront explorés.

Soit un jeune couple de scientifiques qui jouent à épisser (avoue, ami lecteur, tu as appris un nouveau mot) des morceaux d'ADN pour fabriquer des bébêtes secrétant des hormones vendues par l'industrie pharmaceutique. Soit l'envie d'aller toujours plus loin dans l'expérience et surtout l'expérimentation. Fatalement, tout ça ne peut qu'aboutir à la création d'un "monstre" hybride, bestiole de laboratoire composée de divers morceaux d'ADN d'animaux, dont l'être humain.

Après une rapide fausse piste côté film d'horreur (et une belle référence à Alien) lors de l'inévitable scène de la créature qui s'échappe dans le labo, Vincenzo Natali recentre rapidement son propos sur l'étrange famille ainsi constituée : Adrien Brody est Papa (dépassé par les événements et suivant plus ou moins docilement Maman dans ses folies), Sarah Polley (déjà vue dans ExistenZ de David Cronenberg) est Maman aux désirs d'enfant légérement faussés par les traumatismes de sa propre enfance et la folie de sa propre mère. Maman ne veut pas concevoir un enfant "old school" avec Papa, elle préfère se le fabriquer dans une éprouvette (en y mettant des morceaux de son propre ADN, tant qu'à faire). Ainsi naquit Dren, étrange bestiole vaguement humanoïde, à la croissance accélerée, et au métabolisme surprenant, incarnée à partir de l'adolescence par Delphine Chanéac.

Splice




Attention jeunes et futurs parents, ne regardez pas Splice !

Toutes les angoisses, les tabous et les perversions de la parentalité et du rapport à l'enfant y passent : fausse couche, mort du nourrison, enfanticide, puberté ("ton corps change, c'est sale !"), inceste, castration, parricide, jusqu'au final qui bascule dans un malsain horrifico-grotesque comme seul un Canadien pouvait le faire.

Entres Canadiens, Vincenzo Natali a puisé quelques idées visuellement gores et suggestivement grivoises chez son compatriote David Cronenberg. Depuis le relatif échec d'ExistenZ, David ne joue plus trop avec des créatures cracra à tendances métaphorico-sexuello-perverses, et se concentre avec vigueur et Viggo sur la perversion humaine sans artifices (A History of Violence et Les Promesses de l'Aube). Vincenzo lui a donc piqué quelques bébêtes directement insiprées de Rage et Frissons. La Dren de Splice, créature de sexe féminin, dispose d'une queue avec dard rétractile, éminemment phallique, tandis que les autres créatures du labo ressemblent étrangement aux Pod d'ExistenZ, voire à une version miniature du cerveau final de Starship Troopers (de Paul Veroeven, un autre représentateur de violence et de perversion).



La participation de Guillermo Del Toro (en tant que producteur exécutif) au projet Splice n'est sans doute pas étrangère à l'impression de conte cruel fantastique pour adulte, qu'on trouvait dans Le Labyrinthe de Pan, on se surprend à s'étonner de la non-présence de Doug Jones dans le costume de Dren.

Vincenzo Natali et Guillermo del ToroPan, du Labyrinthe du même nom



Cependant, ami lecteur, nous sommes bien chez Vincenzo et pas chez Guillermo : signe qui ne trompe pas, Splice contient de véritables morceaux de David Hewlett.

David Hewlett



En deux mots, Splice est une parabole cruelle et perverse sur la relation parents-enfant, très habilement déguisée en thriller horrifico-scientifique.